Le caribou forestier
Contexte légal et désignation de l’espèce
En vertu de la Loi fédérale sur les espèces en péril, le gouvernement canadien a désigné le caribou boréal (forestier) comme espèce menacée en 2003.
En vertu de la Loi québécoise sur les espèces menacées ou vulnérables, le gouvernement du Québec a désigné le caribou forestier comme espèce vulnérable en 2005.
La Loi fédérale prévoit un programme national de rétablissement, mais laisse le soin aux provinces voulant exercer leur juridiction de convenir d’un plan de rétablissement et de sa mise en œuvre. Dans le cadre de la Loi fédérale, il est aussi stipulé qu’elle ne porte pas atteinte aux droits constitutionnels des peuples autochtones. Un comité (Conseil autochtone national sur les espèces en péril) a d’ailleurs été créé pour conseiller le ministre de l’Environnement du Canada en matière d’application de cette Loi.
La Loi québécoise, elle, précise que son application est sous réserve de la Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie-James et du Nouveau-Québec. Il n’y est pas question d’une préséance d’autres droits constitutionnels des autochtones, du régime forestier adapté ou de la Paix des braves.
La Convention de la Baie-James et du Nord québécois institue, dans son chapitre 24, le régime de chasse, de pêche et de trappage. Ce régime est assujetti au principe de la conservation (art. 24.2.1) qui se définit comme suit :
« la recherche de la productivité naturelle optimale de toutes les ressources vivantes et la protection des écosystèmes du territoire dans le but de protéger les espèces menacées et d’assurer principalement la perpétuation des activités traditionnelles des autochtones et en second lieu, la satisfaction des besoins des non-autochtones en matière de chasse et de pêche sportives. » (art. 24.1.5)
État de situation sur le territoire de la Paix des braves
L’ensemble des spécialistes consultés s’entend pour dire que l’approche d’aménagement du régime forestier adapté de la Paix des braves va à l’encontre de la protection du caribou forestier. C’est que le caribou est particulièrement vulnérable à la prédation et au dérangement humain et que son habitat est notamment constitué de grands massifs de pessières matures.
En raison de son approche de coupes en mosaïque, le régime forestier adapté favorise plutôt l’habitat de l’orignal et multiplie la présence de ses prédateurs (loup et ours) qui s’attaqueront aussi aux caribous, accroît le réseau de chemins forestiers et donc les déplacements des travailleurs et des villégiateurs et enfin fragmente la forêt dans un but avoué de créer une forêt « normalisée » représentée par toutes les classes d’âge.
Au-delà de l’exploitation forestière, il est à noter que le territoire fait aussi l’objet d’un plan de gestion de l’orignal. Les zones de chasse 17 et 22 recoupent principalement le territoire de la Paix des braves. L’objectif du plan pour la zone 17 est d’augmenter la densité de la population d’orignaux afin
- d’atteindre le niveau d’exploitation garanti pour les Cris et
- de maintenir les prélèvements sportifs.
Dans la zone 22, l’objectif est d’augmenter la densité de population d’orignaux sans toutefois nuire au caribou forestier qui requiert une protection particulière.
Cliquer l’image pour l’agrandir
Rétablissement du caribou forestier
Dès 2003, le gouvernement du Québec a mis en place l’Équipe de rétablissement du caribou forestier. En mars 2008, l’Équipe de rétablissement a convenu d’un premier plan de rétablissement du caribou forestier au Québec (plan diffusé au public seulement en 2009) et proposé, en janvier 2010, des lignes directrices pour l’aménagement du caribou forestier.
L’approche de la stratégie d’aménagement était basée sur la succession de massifs de protection et de massifs de remplacement dans l’espace et le temps. Pour le territoire de la Paix des braves, des modalités d’aménagement étant définies au régime forestier adapté, la stratégie ne s’appliquait pas et les modalités de l’Entente devaient continuer d’être respectées intégralement. Des discussions visant le développement d’approches alternatives, si nécessaire à celles prévues à l’ENRQC, étaient toutefois préconisées.
En décembre 2010, les parties signataires de l’Entente ont convenu de créer un comité spécial sur le caribou forestier (Taskforce) mandaté pour assurer la mise en place d’une approche de précaution, puis d’un plan visant le rétablissement du caribou forestier sur le territoire de l’Entente. Un comité technique chargé de soutenir les travaux du comité spécial a par la suite vu le jour. Le Conseil, par le biais de son secrétariat, a collaboré aux travaux de ces comités.
Situation du caribou forestier sur le territoire de la Baie James dans la région Nord-du-Québec
En octobre 2011, les parties signataire de l’Entente ont confié à un comité d’expert le mandat de fournir au comité spécial Cris-Québec sur le caribou forestier (Taskforce) l’expertise, les analyses et les conseils en vue du rétablissement et du maintien de la population de caribou forestier sur le territoire d’Eeyou Istchee.
En février 2012, le Conseil a réuni des représentants de divers organismes œuvrant sur le territoire de la Baie-James et invité le groupe d’experts sur le caribou forestier à présenter son rapport préliminaire portant sur le statut du caribou forestier du territoire de l’Entente.
En septembre 2012, le groupe d’experts a déposé son rapport final aux parties.
À partir des analyses réalisées sur neuf années de données démographiques et de télémétrie satellitaire acquises par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec sur les trois hardes présentes sur le territoire (Assinica, Nottaway et Témiscamie), les experts évaluent que
- Les taux de recrutement sont en baisse dans toute la région en conséquence de l’augmentation cumulative des perturbations des aires de répartition.
- Le taux de survie des adultes (femelles) est également en déclin; cette situation est aggravée par la récolte de subsistance.
- Les taux de perturbation pour les aires de répartition dépassent le seuil théoriquement requis pour assurer la persistance des populations (seuils de tolérance démographique).
- Actuellement, les trois populations locales sont considérées comme étant non autosuffisantes (NA), et on prévoit que la situation s’aggravera au cours des prochaines années, alors que l’habitat essentiel se dégradera encore davantage.
L’avis du Conseil quant aux suites à donner aux conclusions du rapport du groupe d’experts
Suivant le dépôt du rapport, le Conseil a avisé les parties quant aux suites à donner aux conclusions du rapport du groupe d’experts.
Les principales recommandations formulées ont été
- de développer dans les meilleurs délais un plan d’action global visant à mettre en place des mesures de rétablissement du caribou forestier, en considération du rapport du groupe d’experts et de toute autre information jugée utile
- que ce plan d’action soit prêt à temps pour que les mesures qui y seront incluses soient intégrées dans le cadre de la nouvelle planification forestière stratégique devant entrer en vigueur à compter de 2014
- de développer des modifications aux modalités du régime forestier adapté actuel afin de favoriser le rétablissement du caribou forestier, sur le territoire de la Paix des braves.
En attendant que soient déterminées les mesures de rétablissement du caribou forestier qui seront proposées dans le plan d’action global mentionné plus haut, le Conseil a recommandé
- qu’une approche de précaution soit mise en œuvre dans le cadre de toute nouvelle planification ou modification de planification forestière à faire d’ici-là.
Pour sa part, dans le cadre de ses responsabilités, le Conseil a procédé à une révision des planifications forestières en s’assurant d’intégrer la problématique du caribou forestier.
L’approche de précaution du Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs
En octobre 2013, la Direction générale du Nord-du-Québec du ministère des Ressources naturelles a annoncé la mise en application immédiate d’un nouveau principe de précaution ayant été développé avec les bénéficiaires de garantie d’approvisionnement afin de répondre, entre autres, aux normes de certification. L’approche du ministère, basée sur l’identification de massifs forestiers stratégiques pour le rétablissement du caribou forestier, couvre au total plus de 8 000 km2.
Les activités de récolte et de construction ou d’amélioration de chemin y sont soustraites. Les secteurs visés par l’approche de précaution ont été pris en compte dans la détermination de la possibilité forestière, effectuée par le Bureau du Forestier en Chef.
État de situation
Depuis la création du comité spécial sur le caribou forestier (Taskforce) différentes actions et initiatives ont été conduites, tant par les comités mis en place que par chacune des parties.
Pour différentes raisons, depuis juin 2013, le comité spécial ne s’est pas réuni. Les parties ont progressé chacune de leur côté.
En janvier 2015, le nouveau président du Conseil a présenté sa lecture du dossier aux membres du Conseil. Percevant une stagnation du dossier, il a exprimé son ferme désir que le Conseil puisse jouer un rôle actif et s’assurer qu’un plan visant le rétablissement du caribou forestier sur le territoire de l’Entente puisse être mis en œuvre à court terme.
Une annonce de relance potentielle du comité spécial au printemps 2015 a toutefois poussé le président et son Conseil à accorder une dernière chance au comité, pourvu que celui-ci se réunisse et propose rapidement un plan d’action et un échéancier concrets et acceptables. En parallèle, le Secrétariat du Conseil a été mandaté pour assurer le développement d’un Plan d’action provisoire de rétablissement du caribou forestier, pour le territoire de l’Entente.
En juin 2015, la relance attendue des discussions des parties n’ayant pas eu lieu, le Conseil a retenu de lancer un appel aux parties et de réitérer l’importance de convenir d’un plan global de rétablissement faisant l’objet d’un consensus entre les parties. Tout en reconnaissant que certains nouveaux éléments devaient être pris en considération, le Conseil a proposé aux parties de discuter plus en profondeur et de s’entendre sur les éléments présentés au plan provisoire. Les membres ont aussi convenu de l’importance de demander aux parties de réanimer sans tarder le comité technique qui avait été formé afin de considérer et développer les différentes actions de mise en œuvre du projet de plan provisoire.
Le Conseil a assuré les parties de vouloir contribuer de façon constructive au développement d’une stratégie de rétablissement du caribou forestier sur le territoire de l’Entente, et ce, en favorisant la disponibilité d’un tel plan lors du développement de la prochaine génération de planifications tactiques pour le territoire.